La Commission d’examen des pratiques commerciales vient de publier une recommandation n° 20-2 relative à un guide de bonnes pratiques en matière de contrats portant sur des produits à marque de distributeur (MDD). Cette recommandation annule et remplace la recommandation n° 10-1 qui date de plus de 10 ans. Elle constitue un guide de bonnes pratiques en matière de produits à marques de distributeurs (MDD). Elle a « vocation à s’appliquer à l’ensemble des relations entre fabricants et distributeurs portant sur des produits MDD ».
Le présent document synthétise les grandes lignes de cette recommandation en reprenant le plan de celle-ci.
Pour définir la MDD, la Commission retient trois critères cumulatifs :
La Commission précise que « [l]e contrat entre le distributeur et le fabricant, en considération de ces critères est fondé sur l’expression des besoins particuliers du distributeur formalisé par le cahier des charges. Ce cahier des charges MDD précise par écrit la demande du distributeur et sert de base à la discussion entre le distributeur et le ou les fabricants pour le projet de développement d’un produit ou d’une gamme de produits MDD. »
Le cahier des charges est au centre de la phase précontractuelle de la relation entre le fabricant et le distributeur dans la cadre d’un appel d’offres. La Commission recommande donc « que le cahier des charges établi par le distributeur soit suffisamment précis afin de permettre aux fabricants intéressés » d’évaluer et d’estimer au mieux le contenu et les conditions de l’appel d’offres et de pouvoir établir sa réponse. Il doit être accompagné d’un calendrier de déroulement de l’appel d’offres récapitulant toutes les étapes du processus. De plus, « [l]e fabricant, s’il l’estime utile en raison de la nature des produits, peut fixer une durée et des conditions de validité de l’offre ».
Le distributeur peut, de son côté, adresser des demandes d’information au fabricant. « Cette demande s’apprécie au regard de la nature de la relation qui s’engage » et de la nécessité pour le fabricant de connaitre toutes les caractéristiques du produit. La limite est le respect du secret des affaires. Elle ne doit pas non plus créer « un déséquilibre significatif contraire à l’article L. 442-1-I-2° du Code de commerce lorsqu’elle ne répond pas à un objectif légitime, notamment au regard de la responsabilité civile du distributeur vendant les produits sous sa marque ».
La réponse à l’appel d’offres par le fabricant « peut donner lieu à des échanges voire à une soutenance de présentation de l’offre avec le cas échéant la demande de transmission d’éléments complémentaires de part et d’autre ». De plus, « [d]ans le cadre de ces échanges, le fabricant peut produire les différentes certifications qu’il détient permettant, le cas échéant, aux parties de prendre la décision de mettre en œuvre ou pas des audits ou contrôles des lieux de production ». Dans le cadre de ces tests et audits, la Commission recommande que « l’accès des auditeurs aux sites de production envisagés soit réalisé dans des conditions assurant la confidentialité des informations et des évaluations consécutives et que ces démarches soient protégées par des engagements réciproques de confidentialité établis à l’occasion de la transmission de l’appel d’offres ». La Commission estime que le « fabricant doit permettre au distributeur de s’assurer de la parfaite conformité des produits en cause au regard de la réglementation, de la protection de la sécurité et de la santé des consommateurs ».
L’appel d’offres doit donc également « prévoir les modalités de réalisation des tests, audits et contrôles de qualité ». Elles peuvent prendre la forme de deux modalités : soit « le contrôle de qualité est facturé par le laboratoire ou le distributeur, le fournisseur intégrant ces coûts dans les prix de cession des produits » ; soit « les coûts sont directement pris en charge par le distributeur ». Des mesures doivent également être prévues pour garantir « l’impartialité des résultats, les audits, tests et contrôles ». Ils doivent notamment être réalisés par des organismes indépendants.
La phase précontractuelle peut également prendre la forme d’une négociation de gré à gré. Dans ce cas, elle s’articule, selon la Commission, autour de différents éléments :
Dans le cas de l’appel d’offres comme de la négociation de gré à gré, l’agrégation de tous ces éléments permet la rédaction d’un contrat.
Le contrat reprend les éléments du cahier des charges et ceux sur lesquels les parties sont parvenues à un accord commun à la suite de la phase précontractuelle. Le contrat doit préciser de façon exhaustive la liste de l’ensemble des documents ayant valeur contraignante pour les parties.
Il est possible d’avoir recours à la trame de contrat que le distributeur propose au fabricant. Dans ce cas, « [l]a Commission recommande donc, que l’accord trouvé entre les parties se matérialise soit par une modification de la trame de contrat initiale du distributeur, soit par la prise en compte des amendements proposés par le fabricant, discutés et agréés par les parties pour former le contrat ».
La réalisation d’un produit vendu sous marque de distributeur (MDD) s’inscrit dans la durée. C’est pour cela que « [l]a Commission recommande en conséquence la conclusion de contrats de moyen ou long terme, plus adaptés à la mise en place d’un partenariat pérenne » que des contrats annuels.
La Commission rappelle qu’en application de l’article L. 441-7, l du Code de commerce le contrat entre le fournisseur et le distributeur en matière de MDD doit comporter le « prix d’achat des produits agricoles entrant dans la composition de ces produits alimentaires ».
Elle rappelle également que c’est au fabricant qu’il revient de communiquer les indicateurs de coûts de production de la matière première agricole et de valorisation des marchés dans la détermination du prix des produits alimentaires conformément aux dispositions réglementaires en vigueur. La Commission renvoie ici aux lignes directrices sur les indicateurs Egalim publiées par la DGCCRF le 27 juillet 2020.
La Commission recommande que « le contrat intègre un mécanisme de révision du prix afin de prendre en compte les fluctuations des matières premières agricoles (via les indicateurs Egalim) et des autres composants de fabrication du produit (transport, énergie, main d’œuvre, matières sèches, emballages/contenants…) en tenant compte de l’impact de ces fluctuations sur l’équilibre économique du contrat. »
En application l’article L. 441-8 du code de commerce, et à la condition de respecter les conditions prévues par ce texte, la Commission estime qu’il est possible de prévoir dans le contrat, une clause de renégociation pour les produits qui y sont légalement soumis. La Commission insiste sur le fait que « [l]a renégociation de prix est conduite de bonne foi dans le respect du secret des affaires et donne lieu à la rédaction d’un compte rendu, selon les dispositions prévues par l’article D. 441-7 du code de commerce ».
Dans le cadre du partage des informations nécessaires à la bonne exécution du contrat, la Commission recommande « d’anticiper les variations de volume et de prévoir des délais de prévenance permettant au fabricant d’anticiper, d’organiser et d’optimiser sa production et, le cas échéant, d’alerter le distributeur sur ses capacités de production ». Cela se « traduit par la détermination dans le contrat d’un système d’alerte et d’échanges d’informations périodiques jalonnant régulièrement l’exécution du contrat. Le distributeur et le fabricant prévoient contractuellement des modalités d’échanges d’informations relatives à l’état des ventes du distributeur (par exemple, en communiquant les statistiques de ventes) et à l’état des stocks du fabricant afin notamment d’optimiser les conditions d’approvisionnement et de limiter les ruptures ».
De plus, « [l]a Commission recommande également que les parties prévoient les conditions d’échange entre elles afin de suivre la répartition de ce volume prévisionnel tout au long de la durée du contrat. Ceci permet d’assurer une organisation optimale de la production par le fabricant et d’estimer la disponibilité des produits. Le distributeur informe le fabricant, à titre confidentiel et suffisamment en amont, lorsqu’il planifie des opérations promotionnelles générant une augmentation des volumes à produire ou impactant les ventes. » Elle recommande également « la mise en place d’un système permettant d’assurer efficacement la gestion des commandes, les prévisions de vente et l’ordonnancement des flux ».
La répartition de tous les coûts y compris additionnels doit être prévu au contrat. Sur cette base, « la Commission recommande que les parties identifient et répartissent dans le contrat les différents coûts liés au développement et à la fabrication du produit (notamment les coûts des prestations telles que marketing, développement, qualité …). Le contrat précise clairement qui, du fournisseur ou du distributeur, prend en charge les coûts, et dans quels délais ». Dans le cas où le recours à un prestataire est prévu par le distributeur, « il est de bonne pratique que les coûts convenus avec ce prestataire par le distributeur soient connus et acceptés par le fabricant ».
En matière d’opérations commerciales ou promotionnelles la Commission renvoie à ses avis n° 09-13 14 et 17-3 15, où elle a souligné « que la commercialisation d’un produit MDD ne peut donner lieu à une facturation par le distributeur de prestations de services ayant pour objectif de développer la notoriété du produit. En effet, une telle démarche ne s’avère pas adaptée au cas des MDD, produits de fidélisation des clients à l’enseigne et non au fabricant ».
En cas de difficultés non imputables au fabricant dans l’application du contrat-date, c’est-à-dire « l’engagement du fabricant de respecter une durée minimale de commercialisation entre la date de mise à disposition du produit auprès du distributeur et sa date limite ou sa date optimale de consommation », la Commission invite le distributeur et le fabricant à faire leurs « meilleurs efforts pour trouver des débouchés pour ces produits ».
La Commission considère que les audits et contrôles qualité doivent se dérouler dans les mêmes conditions et suivant les mêmes principes que ceux prévus pour la phase précontractuelle.
La Commission rappelle qu’en principe, « les produits MDD sont commercialisés sous une marque appartenant au distributeur ». Cependant, « certains éléments peuvent avoir été développés par le fabricant ou par le distributeur » et peuvent donc être protégé par le droit de la propriété intellectuelle. Il s’agit de la recette et du procédé de fabrication. La commission « recommande la conclusion de clauses de confidentialité adaptées pour protéger les éléments immatériels de l’une ou l’autre des parties ». « En ce qui concerne la communication d’informations à la demande du distributeur, le fabricant communique les informations essentielles relatives au produit, permettant au distributeur de répondre à ses obligations légales ». De manière générale, la Commission estime que « les demandes de communication d’informations du distributeur doivent être légitimes, nécessaires, et proportionnées aux fins d’exécution de son activité, et ne doivent pas porter préjudice au fabricant. »
Pour les pénalités, la Commission renvoie à la Recommandation n° 19-1 relative à un guide des bonnes pratiques en matière de pénalités logistiques pour les aspects liés aux pénalités logistiques.
Pour les retraits et rappels, la Commission « recommande un échange contradictoire et argumenté concernant l’évènement générant le retrait ou le rappel. Cet échange peut être postérieur à l’évènement en cas de risque sanitaire ou sécuritaire qui impose d’agir dans l’urgence. Dans le cas où des analyses physiologiques, bactériologiques et organoleptiques sont effectuées par le laboratoire mandaté par le distributeur ou par le fabricant, celles-ci devront notamment être fournies dans le cadre du retrait ou rappel. »
La Commission considère que « le distributeur est responsable de la mise sur le marché du produit. Toute mise en jeu de la garantie ou de la responsabilité du distributeur peut entrainer des recours en garantie dont la Commission recommande que le mode opératoire soit précisé dans le contrat ainsi que les modalités d’assurance du fabricant. »
Comme tous les contrats, il prend fin à son échéance pour les contrats à durée déterminée et à l’issue d’une durée de préavis conforme aux dispositions légales ou contractuelles pour les contrats à durée indéterminée. La Commission rappelle que l’auteur d’une rupture brutale peut engager sa responsabilité en application notamment de l’article L. 442-1 du Code de commerce.
La Commission recommande, autant que faire se peut, et eu égard à la spécificité de la relation contractuelle « que le contrat portant sur des produits MDD, s’il est à durée indéterminée, définisse la durée minimale de préavis contractuel ».
Pour déterminer la durée de préavis de rupture du contrat, la Commission recommande de prendre en compte les données suivantes :
La Commission insiste sur l’importance du respect des dispositions de l’article L. 442-1 du code de commerce.
Dans les cas où « le distributeur peut être amené à décider de rompre le contrat à durée indéterminée pour des raisons de stratégie interne notamment de décision de mise en concurrence de fabricants. […]la mise en concurrence par appel d’offres, notifiée par écrit, constitue le point de départ du préavis à l’égard du fabricant de MDD que ce dernier soit sollicité ou non pour participer à l’appel d’offres. Cependant, le contrat en cours produira ses effets jusqu’au terme du délai de préavis. »
Dans le cas où il reste des stocks de produits ou de matières premières, il appartient au distributeur et au fabricant de faire « leurs meilleurs efforts pour trouver des débouchés pour ces produits ».
La Commission recommande afin d’ « éviter le contentieux ou, plus généralement, pour saisir les meilleures opportunités d’accord » le recours à la médiation, car il s’agit d’« un procédé de négociation [totalement confidentiel] qui ne prive jamais les parties de leur pouvoir de décision sur l’issue de leur désaccord initial » et toutes « les opportunités d’accord sont explorées dans la bonne foi pour ne pas enfermer la négociation dans des blocages irréductibles. Elle permet d’envisager toutes les options possibles pour construire un accord. ».
Elle peut intervenir à toutes les étapes de la relation contractuelle en cas de difficultés et en amont de tout litige, car de manière générale « [elle] évite une rupture, consolide l’avenir et ouvre la voie de bonnes pratiques dans les relations commerciales ».