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Actualité
10/10/24

Fin du feuilleton sur les dénominations des denrées alimentaires d’origine végétale : la CJUE se prononce contre la mise en place du décret français

Un État membre ne peut interdire aux fabricants de denrées alimentaires à base de protéines végétales, l’utilisation de certains termes tels que « steak ». Par un arrêt du vendredi 4 octobre 2024 dans l’affaire C‑438/23, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) s’est prononcée sur les questions préjudicielles posées par le Conseil d’État français à propos de l’interdiction d’utilisation de dénominations associées à des produits d’origine animale pour des denrées alimentaires à base de protéines végétales.

À l’origine de cette affaire, plusieurs associations et entreprises du secteur des protéines végétales avaient contesté devant le Conseil d’État français, un Décret n° 2022-947 (puis un Décret n° 2024-144) interdisant l’usage de dénominations associées à des produits d’origine animale (telles que "steak", "saucisse" ou "burger") pour désigner des denrées alimentaires à base de protéines végétales.

La CJUE devait notamment se prononcer sur le point de savoir si les dispositions pertinentes du Règlement (UE) n°1169/2011 relatif à l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires (Règlement « INCO »), (i) emportaient une harmonisation de l'utilisation de termes renvoyant à des denrées d'origine animale pour décrire des produits à base de protéines végétales, y compris en cas de substitution complète des ingrédients, et (ii) empêchaient à ce titre les États membres de réglementer l’utilisation de ces dénominations.

 

Le Règlement INCO règlemente la protection du consommateur et procède à une harmonisation totale des dénominations des denrées alimentaires.

Pour les deux premières questions relatives à la possibilité pour un État membre d’interdire l’usage de dénominations pour certaines denrées, la CJUE a jugé que les États membres ne pouvaient pas intervenir dans ce domaine qui est déjà harmonisé au niveau européen par les dispositions pertinentes du Règlement INCO, développant ainsi sa jurisprudence sur la notion « d’harmonisation expresse » (cf. lien Curia).

Pour la CJUE, les dispositions du Règlement INCO au cœur des questions préjudicielles doivent être entendues dans le sens où elles « harmonisent expressément, au sens de l’article 38, paragraphe 1, de ce règlement, la protection des consommateurs du risque d’être induits en erreur par l’utilisation de dénominations, autres que des dénominations légales, constituées de termes issus des secteurs de la boucherie, de la charcuterie et de la poissonnerie pour décrire, commercialiser ou promouvoir des denrées alimentaires contenant des protéines végétales au lieu des protéines d’origine animale, y compris dans leur totalité […] » (cf. motifs de l’Arrêt C-438/23).

Après avoir constaté qu’il n’existait pas de dénominations légales « prévues » ou « prescrites » au niveau de l’Union ou de la France pour les denrées d’origine animale (cf. §80 de l’arrêt C-438/23), la CJUE relève que le Règlement INCO ne prévoit pas que les États membres puissent adopter des mesures réglementant les noms usuels ou les noms descriptifs d’une denrée alimentaire déterminée eu égard aux définitions retenues.

Par conséquent, la CJUE indique qu’un « État membre ne saurait empêcher, par une interdiction générale et abstraite, les producteurs de denrées alimentaires à base de protéines végétales de s’acquitter de leur obligation d’indiquer la dénomination de ces denrées par l’utilisation de noms usuels ou de noms descriptifs » (cf. §83 de l’Arrêt C-438/23).

Ainsi, les décrets français successifs qui interdisent l’utilisation de certains termes pour les denrées végétales, sont remis en cause en raison de cette harmonisation. La CJUE conclut que : « […] [ces dispositions du Règlement INCO] s’opposent à ce qu’un État membre édicte des mesures nationales qui réglementent ou interdisent l’usage de telles dénominations » (cf. motifs de l’Arrêt C-438/23).

Dans cette décision, la CJUE rappelle que les éléments relatifs à la protection des consommateurs dans l’étiquetage des denrées alimentaires sont déjà présentes dans le Règlement INCO et suffisantes pour que les États membres identifient des pratiques trompeuses dans la dénomination des denrées alimentaires.

 

En réponse aux autres questions préjudicielles, du fait de l’harmonisation constatée :

  • La Cour considère que cela ne fait pas obstacle à ce qu’un État membre édicte des sanctions administratives en cas de manquement aux prescriptions et interdictions résultant de ces dispositions ou de mesures nationales qui sont conformes auxdites dispositions.
  • La Cour estime, en revanche, que cela s’oppose à la fixation de taux maximaux de protéines végétales admis pour que des denrées alimentaires puissent être désignées par certains noms usuels ou descriptifs car cela équivaut à règlementer l’utilisation de ceux-ci, sans pour autant adopter de dénomination légale.

 

Impact significatif de cette décision sur l’ensemble de l’Union européenne.

Cet arrêt aura des conséquences significatives dans l’Union puisque plusieurs pays, tels la Belgique et l'Italie, envisageaient d’introduire une loi similaire à celle de la France.

On constate que cette décision juridictionnelle va dans le même sens que la décision politique du Parlement européen qui, en 2020, dans le cadre des discussions sur la réforme des subventions agricoles européennes, avait rejeté une tentative de réserver les dénominations liées à la viande aux seuls produits fabriqués à partir de parties animales.

Ce qui n’avait pas été le cas pour les boissons végétales quelques mois auparavant : la CJUE avait statué que seuls les produits contenant réellement des produits laitiers pouvaient utiliser des termes tels que "lait", "beurre" ou "yaourt". Toutefois, contrairement à la viande, il existait des dénominations légales pour ces termes au niveau de l’Union (cf. §75 de l’Arrêt C-438/23).

La prochaine étape est la prise en compte de ces réponses par le Conseil d’État français, mais le sort réservé à la règlementation française à l’origine de cette affaire semble déjà scellé.

Jean-Christophe ANDRÉ/ Justine MOREL
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