Aux termes d’une décision surprenante du 11 janvier 2019, l’EUIPO a prononcé la déchéance totale des droits de Mc Donald’s sur sa marque verbale de l’Union Européenne « Big Mac » déposée le 1er avril 1996 et enregistrée sous le n°62638 pour désigner les produits des classes 29 et 30 (sandwichs), et les services de la classe 42 (services de restauration)1.
Cette décision fait suite à une bataille juridique entre le géant américain des burgers, et la modeste chaîne de restauration rapide irlandaise dénommée SuperMac’s.
En 2016, Mc Donald’s a obtenu le rejet de la demande d’enregistrement de la marque « Supermac's » déposée par SuperMac’s pour les produits des classes 29 et 30, en se fondant sur la similarité existant notamment avec sa marque antérieure « Big Mac » n°626382.
La chaîne de restauration irlandaise ne s’est pas laissée impressionner par le roi des burgers, et a contre-attaqué en formant, le 11 avril 2017, un recours devant l’EUIPO afin de solliciter la déchéance totale des droits de Mc Donald’s sur sa marque « Big Mac » n°62638 pour défaut d’usage sérieux.
L’EUIPO a fait droit à cette demande, au motif que les preuves d’exploitation fournies par Mc Donald’s n’étaient pas suffisantes pour démontrer une exploitation sérieuse de la marque en cause, sur le territoire de l’Union Européenne, pendant la période concernée (entre avril 2012 et avril 2017).
En l’espèce, Mc Donald’s avait fourni des attestations sur les ventes en Allemagne, en France, et au Royaume-Uni, des brochures et publicités en allemand, en anglais et en français montrant les sandwichs et leurs emballages, des impressions des sites européens édités par Mc Donald’s montrant l’utilisation du signe Big Mac pour des sandwichs, ainsi qu’un extrait du site Wikipedia.
Aux termes d’une analyse rigoureuse et exigeante, l’EUIPO a considéré que ces éléments ne démontraient pas que les produits marqués « Big Mac » étaient bien proposés à la vente, et qu’il n’existait aucune information sur la durée pendant laquelle les produits ont été proposés, sur les ventes effectives ou sur les éventuels clients.
Mc Donald’s a donc été déchue de ses droits sur sa marque de l’Union Européenne « Big Mac » n°62638 pour tous les produits et services visés au dépôt.
Si elle est peu surprenante pour les services de la classe 42 (aucun restaurant ne porte le nom « Big Mac »), cette décision est en revanche très sévère pour les produits des classes 29 et 30. Il ne fait en effet aucun doute que la marque est bien exploitée en Europe, mais aussi dans le monde entier, pour des sandwichs.
Les afficionados du Big Mac le confirmeront volontiers, et ils sont nombreux si l’on rappelle les chiffres de vente du plus célèbre sandwich de Ronald McDonald : 1,3 milliards de Big Mac vendus dans le monde en 2017, soit 29 burgers chaque seconde !
SuperMac’s ne devrait donc pas crier victoire trop vite ni trop tôt. Mc Donald’s dispose en effet d’un délai de 2 mois pour interjeter appel. A n’en pas douter, la firme américaine va batailler pour obtenir l’infirmation de cette décision, à tout le moins pour les sandwichs visés en classes 29 et 30.
À côté de cette bataille juridique, se livre une autre bataille, cette fois-ci médiatique mais tout aussi croustillante.
Le King du Wooper, alias Burger King, n’a pas perdu de temps pour venir taquiner ouvertement son principal concurrent sur sa récente déconvenue judiciaire.
Dans sa dernière campagne publicitaire tournée en Suède, Burger King a changé les noms de ses menus et sandwichs, et a mis en scène des clients légèrement décontenancés venant commander « Anything but a Big Mac » (« Tout sauf un Big Mac »), « Like a Big Mac but Actually Big » (« Comme un Big Mac mais vraiment gros »), « Kind of like a Big Mac but juicier and tastier » (« Un Big Mac en plus juteux et avec plus de goût »), ou encore « Burger Big Mac Wished it Was » (« Un burger que le Big Mac aurait voulu être »).
Burger King ne manque donc pas d’humour lorsqu’il s’agit de se moquer de son principal rival.
Toutefois, en droit français, cette publicité pourrait faire débat. En effet, si la citation d’une marque d’un concurrent est licite en matière de publicité comparative, rappelons que c’est à la condition qu’elle ne soit pas déloyale ni dénigrante. Or, sur ce point, Mc Donald’s pourrait reprocher à son concurrent d’avoir franchi les limites de la réglementation en la matière.
Burger King a donc voulu créer le buzz en jouant sur cette récente actualité juridique. Mais Mc Donald’s dispose d’arguments pour contre-attaquer et s’opposer à l’usage par des tiers du signe « Big Mac » :
La guerre des fast-foods, au Tribunal ou dans les médias, est donc loin d’être terminée.
Que les amateurs du Big Mac se rassurent, l’incontournable sandwich de Mc Donald’s n’est donc pas prêt de disparaître. Et un BIG MAC s’il vous plait !
1 EUIPO, division d’annulation, n° 14 788 C, 11 janvier 2019, Supermac’s (Holdings) Ltd c/ Mc Donald’s International Property Company Ltd.
2 EUIPO, division d’opposition, n° B 2 386 582, 20 janvier 2016, Mc Donald’s International Property Company Ltd c/ Supermac’s (Holdings) Ltd.