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Actualité
12/4/15

"#LeJusLePlusFrais" : la "marque" du temps qui passe…

16:04 : Le prochain train ? Non. La « marque » d’un nouveau jus d’orange ! Telle est l’opération originale organisée par Intermarché durant 3 jours dans l’un de ses magasins : un jus d’orange dont « la marque porte le nom de l’heure à laquelle le jus a été pressé » !

La marque. Mais quelle marque, pour un jus de fruit, « pressé minute » sur le point de vente, et aussitôt étiqueté d’un nouveau nom toutes les 60 secondes ?

En réalité, de « marque », il n’y a pas. Et pour cause.

À supposer d’abord une fabrication du produit durant les dix heures d’ouverture du magasin, ce ne serait pas moins de 600 marques qu’il conviendrait de déposer. Peut-être un peu moins, s’il était admis par exemple que la protection de la marque « 9 :01 » vaut aussi protection de la marque « 9 :11 », à raison de leurs ressemblances ; encore que… demeurerait, à terme, la question de l’obligation d’usage de la marque telle qu’elle a été déposée, sous peine de déchéance des droits acquis (art. L 714-5 du Code de la Propriété Intellectuelle).

Mais surtout : le dépôt de ces quelques 600 marques permettrait-il de monopoliser chaque minute du temps qui passe, matérialisée par l’heure correspondante ?

Si le droit des marques est un droit d’occupation et non de création, de sorte qu’il permet de s’approprier un signe, ou en l’espèce, une dénomination aussi banale que l’heure, encore faut-il que ladite dénomination ne soit pas exclusivement composée de signes ou d’indications « pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou service, et notamment l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l’époque de la production du bien ou de la prestation de service » (article L 711-2 b du Code de la Propriété Intellectuelle).

Cette disposition poursuit un but d’intérêt général : empêcher des situations dans lesquelles une entreprise monopolise l’usage d’un terme descriptif, au détriment des autres entreprises, y compris ses concurrents, dont l’étendue du vocabulaire disponible pour décrire leurs propres produits, se verrait ainsi réduite.

La protection qui serait accordée à une telle marque, constituée exclusivement de l’indication d’une heure, pour désigner un jus de fruit, empêcherait ainsi un autre opérateur d’utiliser le même signe ou un signe semblable, pour indiquer de la même façon « l’époque de la production » de son propre jus de fruit.

Il est sur ce point indifférent que la caractéristique susceptible d’être ainsi décrite soit essentielle sur le plan commercial, ou accessoire, toute entreprise devant pouvoir librement utiliser de tels signes pour décrire n’importe quelle caractéristique de ses propres produits, quelle que soit son importance sur le plan commercial.

Enfin, le refus d’enregistrement d’un tel signe descriptif à titre de marque n’est pas soumis à l’existence d’un impératif de disponibilité concret, actuel et sérieux ; en effet, le fait que le signe décrive une caractéristique aujourd’hui inexistante (l’heure de fabrication d’un jus de fruit frais ne figurant pas au titre des indications descriptives sur le produit lui-même, contrairement à sa date de péremption par exemple), n’exclut pas qu’il soit perçu comme étant descriptif pour le public.

D’autant qu’ici, l’opération menée par Intermarché s’articule autour de cette indication de l’heure, comme gage de fraîcheur de son produit.

Le temps qui passe ne s’apprivoise donc pas, même à titre de marque !

Catherine WURTZ
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