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Actualité
7/3/18

Extension du décret Montebourg : la PI, l’AI, les datas et les nanotechnologiques désormais stratégiques pour l’économie française

À l’occasion d’une visite au sein du groupe l’Oréal, le vendredi 16 février 2018, le Premier Ministre Édouard Philippe a annoncé un élargissement du champ d’application du décret n° 2014-479 du 14 mai 2014 relatif aux investissements étrangers soumis à autorisation préalable (décret Montebourg), notamment à l’intelligence artificielle, aux datas et aux nanotechnologies, ainsi qu’un renforcement des sanctions y afférentes.

Avant 2014, l’article L 151-3 I du Code Monétaire et Financier (CMF) prévoyait la protection d’un nombre limité d’actifs considérés comme stratégiques, au sens classique du terme. L’article disposait que :

« I. – Sont soumis à autorisation préalable du ministre chargé de l’économie les investissements étrangers dans une activité en France qui, même à titre occasionnel, participe à l’exercice de l’autorité publique ou relève de l’un des domaines suivants :
a) Activités de nature à porter atteinte à l’ordre public, à la sécurité publique ou aux intérêts de la défense nationale ;
b) Activités de recherche, de production ou de commercialisation d’armes, de munitions, de poudres et substances explosives.
Un décret en Conseil d’Etat définit la nature des activités ci-dessus 
».

Les activités concernées par l’article L 151-3 I du CMF sont listées dans l’article R 153-2 du CMF.

En prévision du rachat d’Alstom par General Electrics en 2014, le Ministre du Redressement Productif de l’époque, Arnaud Montebourg, avait souhaité actualiser la liste prévue à l’article R 153-2 du CMF, via un ancien décret anti-OPA de 2005, afin de protéger les secteurs français stratégiques et d’assurer à la France la conservation de ses fleurons de l’économie.

Ainsi, en mai 2014, le décret Montebourg avait opéré une actualisation significative du contrôle des investissements étrangers par l’élargissement des activités concernées, à savoir : les sources énergétiques, l’eau, les transports, les communications électroniques, la santé publique et tout ouvrage d’importance vitale.

Le Premier Ministre a donc annoncé qu’il souhaiterait élargir le décret Montebourg, notamment aux domaines de l’intelligence artificielle, des datas et des nanotechnologies, dans le contexte d’une éventuelle augmentation par Nestlé de sa participation dans le capital de l’Oréal (le groupe suisse en détient déjà 23%) courant 2018.

Afin d’assurer le respect de la procédure prévue pour ce type d’acquisitions, le gouvernement entend assurer un suivi des engagements pris, en sus de la phase préliminaire d’examen des investissements. De plus, le gouvernement prévoit de renforcer les sanctions contre les investisseurs qui ne respectent pas les règles qui leurs sont imposées. À l’origine, il n’y avait que 2 moyens de répression prévus par l’article L 151-3 du CMF, qui étaient bien trop coercitifs pour être effectivement mis en place (annulation de la vente ou, en cas de refus de se conformer à l’injonction d’annuler la vente, sanction pécuniaire équivalente au double du montant de l’investissement réalisé). Edouard Philippe a donc considéré qu’il serait judicieux de prévoir des sanctions financières définies en fonction de critères spécifiques, afin de rendre la sanction plus adaptée (ex : en fonction de la taille de l’acquéreur).

Dans cette même dynamique, l’État entend renforcer le recours aux « Golden Shares » (action dite « spécifique » ou « dorée ») mise en place par une Ordonnance du 20 août 2014 (n° 2014-948). Ces actions permettent à leur propriétaire de s’opposer à des résolutions lors d’un vote en conseil d’administration et d’avoir ainsi un droit de regard sur les opérations de l’entreprise. Initialement, l’État usait de ces prérogatives afin de s’opposer à certaines opérations, comme les cessions de certains d’actifs, les franchissements des seuils de participation ou bien la nomination d’un représentant au conseil d’administration, dans l’unique cas où ces opérations viendraient porter atteinte aux intérêts essentiels du pays. Aujourd’hui, le Premier Ministre souhaiterait que l’État puisse aussi s’opposer aux transferts de propriété intellectuelle, ce qui confirme la prise en compte par les pouvoirs publics du caractère stratégique de ces actifs incorporels.

L’annonce de ces mesures suscite de nombreuses craintes au regard de l’épisode Dailymotion.

En janvier 2011, France TélécomOrange avait racheté 49% du capital de Dailymotion et avait acquis le reste du capital un an plus tard. Le géant américain Yahoo! avait fait part de son souhait de racheter une partie du capital de Dailymotion, à hauteur de 75%. Cependant, France Télécom étant détenu à hauteur de 27% par l’Etat, le Ministre du Redressement Productif de l’époque, Arnaud Montebourg, s’était opposé aux conditions de ce rachat, mettant fin aux discussions avec Yahoo!. Suite à cet échec, Cédric Tournay, patron de Dailymotion à l’époque des faits, avait déclaré :

« je regrette le blocage gouvernemental, parce que nous vivons dans un environnement mondialisé où nous devons, pour le bien de nos entreprises, faire des choix qui maximisent nos chances de succès sur le long terme ».

L’opposition de l’État à ce rachat partait d’une volonté de protéger les actifs français de pointe, afin de redynamiser le made in France, mais n’avait pas porté chance à Dailymotion…

L’ancienne Ministre de l’Économie Numérique, Fleur Pellerin a justement souligné récemment les limites de cette mesure, en rappelant que les startups françaises innovantes ne pouvaient être financées uniquement par des fonds français. Si la France souhaite faire partie d’un écosystème global, elle ne doit pas isoler les entreprises nationales et leur faire perdre en compétitivité. L’ancienne Ministre de l’Économie Numérique propose ainsi le recours à un groupe de travail ad hoc, associant les startups qui pourraient être concernées par cet élargissement du décret, afin d’éviter de revivre l’affaire Dailymotion.

Les dispositions législatives relatives à l’élargissement du décret Montebourg et de l’Ordonnance relative aux « Golden Shares » seront inclues dans le projet de loi Pacte (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises), qui sera présenté le 18 avril prochain au Conseil des Ministres.

Il reste à espérer que le projet de loi tienne compte de toutes les dynamiques en jeux afin d’assurer une balance entre une conservation jalouse des actifs nationaux et la nécessité pour les acteurs innovants français de bénéficier de financements internationaux.

Vincent FAUCHOUX / Bénédicte CHANIOT
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